Où, dans quels bienheureux jardins constamment arrosés, sur quels
arbres, aux calices de quelles fleurs tendrement défleuries,
mûrissent-ils, les fruits étranges de la consolation?
Ces délices dont il se peut que tu découvres
l’un dans les vergers écrasés de ta pauvreté.

De l’une à l’autre à la fois, tu t’émerveilles
de la dimension du fruit, de son intacte perfection,
de sa douceur de peau, dont tu ne fus privé
ni par l’oiseau léger, ni, dessous, par la jalousie du ver.

Ya-t-il donc des arbres sous le vol des anges,
et soignés si étrangement par de secrets jardiniers de lenteur,
qu’ils portent fruit pour nous, sans nous appartenir?

Avons-nous jamais pus, nous, ombres et fantômes,
en notre précipitation à mûrir et flétrir,
troubler dans leur sérénité ces étés impassibles?

René Maria Rilke- Les Sonnets à Orphée – 2ième -17