Chante-les, mon coeur, les jardins qui te sont inconnues:
comme fondus dans le cristal, ces jardin clairs, inaccessibles.
L’eau et les roses d’Ispahan ou de Chiraz,
chante-les, ô bonheur, célèbre-les, incomparables!

Montre, mon coeur, qu’ils ne te font jamais défaut.
Que leurs figues, en mûrissant, pensent à toi.
Qu’à travers les rameaux fleuris, leurs brises te connaissent,
exaltantes jusqu’à devenir presque des visages.

L’erreur, évite-la, qu’il existe des manquements
pour qui veut et se fait à la décision : être !
Tu es venu t’incorporer, fil de soie, au tissu.

Quel que soit le dessin où tu es intégré
(fût-ce même un moment de la vie en tourment )
ce qui compte, sens-le, c’est tout l’entier tapis de gloire.

René Maria Rilke
Les Sonnets à Orphée 2iéme – 21