AVRIL

AVRIL, l’honneur et des bois
Et des mois;
Avril, la douce espérance
Des fruits qui, sous le coton
Du bouton,
Nourrissent leur jeune enfance;

Avril, l’honneur des prés verts,
Jaunes, pers,
Qui d’une humeur bigarrée
Émaillent de mille fleurs
De couleurs
Leur paire diaprée;

Avril, l’honneur des soupirs
Des zéphyrs,
Qui, sous le vent de leur aile,
Dressent encor és forêts
Des doux rêts
Pour ravis Flore la belle;

Avril, c’est ta douce main
Qui, du sein
De la nature, desserre
Une moisson de senteurs
Et de fleurs
Embaumant l’air et la terre.

Avril, l’honneur verdissant,
Florissant
Sur les tresses blondelettes
De ma dame, et de son sein
Toujours plein
De mille et mille fleurettes;

Avril, la grâce et le ris
De Cypris,
Le flair et la douce haleine;
Avril, le parfum des dieux,
Qui des cieux
Sentent l’odeur de la plaine.

C’est toi, courtois et gentil,
Qui d’exil
Retire ces passagères,
Ces rondelles qui vont
Et qui sont
Du printemps les messagères.

Laubépine et l’églantine,
Et le thym,
L’oeillet, le lis et les roses,
En cette belle saison,
A foison
Montrent leurs robes écloses.

Le gentil rossignolet,
Doucelet,
Découpe dessous l’ombrage
Mille fredons babillards,
Frétillards,
Au doux son de son ramage.

C’est à ton heureux retour
Que l’amour
Souffle à doucettes haleines
Un feu croupi et couvert
Que l’hiver
Recélait dedans nos veines.

Tu vois sur ce temps nouveau
L’essaim beau
De ces pillardes avettes
Voleter de fleur en fleur
Pour l’odeur
Qu’ils mussent en leurs cuissettes.

Mai vantera ses fraîcheurs,
Ses fruits mûrs,
Et sa féconde rosée,
La manne, le sucre doux,
Le miel roux
Dont sa grâce est arrosée.

Mais moi je donne ma voix
A ce mois
Qui prend le surnom de celle
Qui de l’écumeuse mer
Vit germer
Sa naissance maternelle.

REMI BELLEAU