LES FLEURS

Des avalanches d’or du vieil azur, au jour
Premier, et de la neige éternelle des astres,
Mon Dieu, tu détachas les grand calices pour
La terre jeune encore et vierge de désastres.

Le glaïeul fauve, avec les cygnes au col fin,
Et ce divin laurier des âmes exilées
Vermeil comme le pur orteil du séraphin
Que rougit la pudeur des aurores foulées;

L’hyacinthe, le myrte à l’adorable éclair,
Et, pareille à la chair de la femme, la rose
Cruelle, Hérodiade en fleur du jardin clair,
Celle qu’un sang farouche et radieux arrose!

Et tu fis la blancheur sanglotante des lys
Qui, roulant sur les mers de soupirs qu’elle effleure,
A travers l’encens bleu des horizons pâlis
Monte rêveusement vers la lune qui pleure!

Hosanna sur le cistre et sur les encensoirs,
Notre Père, hosanna du jardin de nos Limbes!
Et finisse l’écho par les mystiques soirs,
Extase des regards, scintillement des nimbes!

O Père, qui créas, en ton sein juste et fort,
Calices balançant la future fiole.
De grandes fleurs avec la balsamique Mort
pour le poète las que la vie étiole.

Stéphane Mallarmé

Les Fleurs dans la poésie française
Collection Jacques Haumont
Editions d’histoire et d’art

Extrait de la collection Librairie Grand-Papa Monceaux


de la table d’Illustrations

1-Pivoines – peinture de Monet
2-Fleurs – peinture de Van Gogh – Cliché de Vizzanova